mardi 5 juin 2007

Le pays de mes ancêtres maternels

« Le bord du canal était la promenade traditionnelle des dimanches d’été nonchalants, à la recherche d’ombrages aérés et de brise légère sur la hauteur. Les gosses du pays se baignaient dans l’eau verte et tranquille que n’avait pas encore troublé le mazout des barques à moteur qui remuent la vase. Piscine naturelle, sans sauveteur agréé et sans professeur diplômé, les enfants apprenaient à nager tout seuls, parfois avec l’aide des aînés. Le critère était : « As-tu traversé le canal ? » Large de deux ou trois mètres, quelques brasses suffisaient pour se retrouver sur la berge opposée. »

Voici comment ma grand-mère décrit le Canal du Midi dans ses mémoires d’enfance, que j’ai amoureusement tapées ces derniers temps à partir de son manuscrit fait à la machine à écrire il y a quelques années.

Et justement, voici une semaine, j’étais dans son « pays », le Languedoc.

Pourquoi est-ce seulement maintenant que je m’intéresse à ses histoires ? Elle a 87 ans et demi (les demies comptent à nouveau à cet âge-là !), a toute sa tête et continue à me raconter les histoires de sa jeunesse. Elle a toujours mille anecdotes à conter, et c’est avec délice que je l’écoute maintenant. Avant, je n’essayais pas de les retenir, et c’est tout juste si j’écoutais – seulement d’une oreille distraite, comme on dit. Maintenant, je récupère chaque mot, chaque phrase, chaque expression dans un coin de mon cerveau et espère pouvoir les ressortir quand j’en aurai besoin ou quand je voudrai. Rien n’est moins sûr, mais au moins j’écoute et me régale !

C’est avec émotion que j’ai marché le long du canal avec mon mari, mardi dernier (il est un peu plus large que deux ou trois mètres, mais nous pardonnons à ma grand-mère cette petite erreur !). Et puis dans les rues de Capestang, de Murviel (le pays de mon arrière-grand-mère) et Montady (le pays de mon arrière-grand-père). J’ai eu un petit choc en voyant écrit sur une pancarte le nom de mes arrière-grands-parents, annonçant le domaine viticole du même nom. Ils fabriquent toujours du vin, les cousins !

La collégiale de Capestang, où ma grand-mère fut baptisée et où elle dit « oui » devant Dieu à son futur mari, fut aussi un moment marquant de notre périple. Ma grand-mère écrit :
« Capestang, un village étendu, aéré, ombragé, dominé par sa belle et vaste collégiale Saint-Étienne, adossé au Canal du Midi bordé de platanes, entouré de vignes qui s’étendent à perte de vue entre le canal et l’étang, le niveau le plus bas. Là, une grande partie des terres est inculte et sauvage et sert de trop-plein, en hiver, à l’Aude en crue. »

J’ai pris la petite ville en photo sous toutes les coutures, en particulier la collégiale et la maison où vécut ma grand-mère et où ma mère passa des étés mémorables. 13 rue de la République. Cinq maisons ont été construites là où, avant, mon arrière-grand-père cultivait ses légumes. C’est dire l’étendue du terrain !

Le midi, nous avons déjeuné simplement, dans un petit restaurant, à l’ombre des platanes. Tout était bon et frais, nous nous sentions vraiment en vacances. Il faisait au moins 25 degrés, nous n’avions plus froid ! (Nous venions de passer deux jours dans le Limousin, à 700 mètres d’altitude, et le beau temps n’avait pas été au rendez-vous le deuxième jour.)

Je découvris avec étonnement, et aussi un certain mépris, que Capestang était devenu en quelque sorte multilinguiste et comptait parmi ses touristes et ses habitants de nombreux étrangers, surtout des Anglais. C’était curieux. A mes yeux, Capestang était cette petite ville du Midi d’où ma grand-mère et mes aïeux venaient, aussi m’attendais-je à n’y trouver que des « petits vieux » et des rues désertes. Que nenni ! Des étrangers, des jeunes, des voitures récentes, des rues animées – quel contraste avec ce que j’avais imaginé !

Mais tant mieux. Il serait dommage qu’une aussi belle petite ville du Sud tombe en ruines, ne soit pas « sauvée » – même par des étrangers !

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