lundi 11 juin 2007

Suite française

Je lis ce livre (d’Irène Némirovsky) depuis deux semaines et me régale. C’est un cadeau de Noël de ma plus vieille amie, V. J’aime le fait que ce livre nous lie. V. est au Canada depuis presque 10 ans, et moi ici depuis bientôt 12, et nous ne nous voyons que très peu souvent – et très peu de temps quand nous arrivons à partager une crêpe à Paris ou un repas vietnamien chez ses parents.

Les livres nous ont toujours liées, ceux que nous lisons tout comme ceux que nous écrivons. Au fur et à mesure que je lis Suite française, je me pose plein de questions – sur la France, mon pays natal, sur la guerre, sur la justice, sur les émotions qui ont pu lier les Français et les Allemands à ce moment-là de notre histoire.

Mais le sentiment le plus fort qui règne en moi en lisant ce livre, surtout la première partie (décrite dans le prologue comme une « série de tableaux »), c’est l’incompréhension de la raison pour laquelle on ne nous apprend pas tout cela dans les cours d’histoire, pourquoi on passe allègrement sur l’exode des Parisiens, la grande défaite de 1940, et bien sûr l’occupation, ouh la grande honte de l’histoire française... On parle de l’appel du 18 juin, ah ça oui, mais de rien d’autre. On met cela sous le tapis en douce, et on passe presque directement à la grande victoire des Alliés et l’Armistice du 8 mai 1945 ! C’est une si grande victoire pour la France que cette date est jour férié dans le calendrier français ! Mais pas ici, pas pour les Anglais ! Et aux États-Unis, je n’en suis pas certaine, mais cela m’étonnerait fort.

Pourquoi célèbre-t-on en France une journée de l’histoire où nous n’avons même pas été acteurs ? Nous avons été libérés, nous n’avons pas gagné !

Je ne pense pas faire preuve de non-patriotisme en écrivant ce billet. Je suis juste étonnée que tout cela soit passé sous silence quand on nous apprend l’histoire de France à l’école, et que nos grands-parents ne nous en parlent pas non plus. Mon grand-père était résistant, je ne l’ai appris que seulement un an avant sa mort (de sa propre bouche, mais sans détails). Ma grand-mère a vu les Allemands occuper non seulement son pays, mais aussi sa maison, sa grande demeure chérie où elle avait passé tant de belles journées pendant sa jeunesse... Et pourtant, ni l’un ni l’autre ne me disent ou ne m’ont dit plus que quelques phrases sur ce sujet.

Alors, sujet tabou ? Oui, il faut le croire. Mais à quoi bon ? Mon mari, qui sait tout cela bien mieux que moi car il lit beaucoup de livres d’histoire et car on a dû lui en apprendre bien plus qu’à moi sur la défaite française de 1940 et ses contrecoups et sur la grande victoire des Alliés (celle de son pays plus que celle du mien), pense que la France a bien tort de ne pas enseigner toute son histoire. Elle n’apprendra pas et ne tirera rien des fautes qu’elle a commises, et elle les répètera un jour. Justement je lui avais dit il y a quelque temps : « Crois-tu qu’un jour la guerre éclatera de nouveau entre la France et l’Allemagne ? » Et il m’avait dit que oui, très certainement, surtout si la France continue à contrarier l’Allemagne en sucrant tout l’argent européen...

J’espère ne pas avoir à être témoin de cette guerre, si un jour elle se déclare. En attendant, apprenez à vos enfants que oui la France a été grande et gagnante par le passé, mais elle a aussi été petite et perdante, et il ne faut pas l’oublier, afin de tirer toutes les leçons nécessaires.

mardi 5 juin 2007

Le pays de mes ancêtres maternels

« Le bord du canal était la promenade traditionnelle des dimanches d’été nonchalants, à la recherche d’ombrages aérés et de brise légère sur la hauteur. Les gosses du pays se baignaient dans l’eau verte et tranquille que n’avait pas encore troublé le mazout des barques à moteur qui remuent la vase. Piscine naturelle, sans sauveteur agréé et sans professeur diplômé, les enfants apprenaient à nager tout seuls, parfois avec l’aide des aînés. Le critère était : « As-tu traversé le canal ? » Large de deux ou trois mètres, quelques brasses suffisaient pour se retrouver sur la berge opposée. »

Voici comment ma grand-mère décrit le Canal du Midi dans ses mémoires d’enfance, que j’ai amoureusement tapées ces derniers temps à partir de son manuscrit fait à la machine à écrire il y a quelques années.

Et justement, voici une semaine, j’étais dans son « pays », le Languedoc.

Pourquoi est-ce seulement maintenant que je m’intéresse à ses histoires ? Elle a 87 ans et demi (les demies comptent à nouveau à cet âge-là !), a toute sa tête et continue à me raconter les histoires de sa jeunesse. Elle a toujours mille anecdotes à conter, et c’est avec délice que je l’écoute maintenant. Avant, je n’essayais pas de les retenir, et c’est tout juste si j’écoutais – seulement d’une oreille distraite, comme on dit. Maintenant, je récupère chaque mot, chaque phrase, chaque expression dans un coin de mon cerveau et espère pouvoir les ressortir quand j’en aurai besoin ou quand je voudrai. Rien n’est moins sûr, mais au moins j’écoute et me régale !

C’est avec émotion que j’ai marché le long du canal avec mon mari, mardi dernier (il est un peu plus large que deux ou trois mètres, mais nous pardonnons à ma grand-mère cette petite erreur !). Et puis dans les rues de Capestang, de Murviel (le pays de mon arrière-grand-mère) et Montady (le pays de mon arrière-grand-père). J’ai eu un petit choc en voyant écrit sur une pancarte le nom de mes arrière-grands-parents, annonçant le domaine viticole du même nom. Ils fabriquent toujours du vin, les cousins !

La collégiale de Capestang, où ma grand-mère fut baptisée et où elle dit « oui » devant Dieu à son futur mari, fut aussi un moment marquant de notre périple. Ma grand-mère écrit :
« Capestang, un village étendu, aéré, ombragé, dominé par sa belle et vaste collégiale Saint-Étienne, adossé au Canal du Midi bordé de platanes, entouré de vignes qui s’étendent à perte de vue entre le canal et l’étang, le niveau le plus bas. Là, une grande partie des terres est inculte et sauvage et sert de trop-plein, en hiver, à l’Aude en crue. »

J’ai pris la petite ville en photo sous toutes les coutures, en particulier la collégiale et la maison où vécut ma grand-mère et où ma mère passa des étés mémorables. 13 rue de la République. Cinq maisons ont été construites là où, avant, mon arrière-grand-père cultivait ses légumes. C’est dire l’étendue du terrain !

Le midi, nous avons déjeuné simplement, dans un petit restaurant, à l’ombre des platanes. Tout était bon et frais, nous nous sentions vraiment en vacances. Il faisait au moins 25 degrés, nous n’avions plus froid ! (Nous venions de passer deux jours dans le Limousin, à 700 mètres d’altitude, et le beau temps n’avait pas été au rendez-vous le deuxième jour.)

Je découvris avec étonnement, et aussi un certain mépris, que Capestang était devenu en quelque sorte multilinguiste et comptait parmi ses touristes et ses habitants de nombreux étrangers, surtout des Anglais. C’était curieux. A mes yeux, Capestang était cette petite ville du Midi d’où ma grand-mère et mes aïeux venaient, aussi m’attendais-je à n’y trouver que des « petits vieux » et des rues désertes. Que nenni ! Des étrangers, des jeunes, des voitures récentes, des rues animées – quel contraste avec ce que j’avais imaginé !

Mais tant mieux. Il serait dommage qu’une aussi belle petite ville du Sud tombe en ruines, ne soit pas « sauvée » – même par des étrangers !

Une maison dans les champs

Notre résidence secondaire.

Oui, ça sonne bien.

Notre résidence secondaire à La Malherbe, près de La Verdière, en France, dans le Lubéron, en Provence.

Oui, ça sonne encore mieux.

Avec vue imprenable sur les champs, la campagne environnante, les coquelicots rouge vif au cœur noir et les pins et les oliviers argentés tout au loin, avec senteur imprenable de thym vert qui crisse sous les pieds.

Ah oui, c’est sûr, c’est encore mieux...

La maison : ancienne bergerie divisée en trois. La ‘nôtre’, c’est celle qui est coincée au milieu entre les deux autres parties. Insérée, presque. Mais quel espace ! La plus grande des parties ! Le spacieux séjour bien lumineux, avec l’immense cheminée à gauche en entrant, le coin salon-salle à manger, le coin cuisine, la porte fenêtre et enfin la grande terrasse de 100 m2 et la superbe vue !

Au sous-sol, deux chambres, salle de bains, toilettes séparées, un grand placard, un grand garage qui pourrait être converti en troisième chambre... Et un peu de terrain pour garer la voiture, puis les champs à perte de vue...

Mais nous n’avons pas assez d’argent, alors le rêve s’arrête là.

Pour le moment du moins.