jeudi 20 juillet 2006

La robe d’un jour

J’enfile la robe, tant bien que mal. Il fait chaud, très chaud, derrière le rideau de ce qui sert de cabine d’essayage. La sueur coule le long de mes jambes.

Et tout d’un coup, la catastrophe. Ce qui m’a seulement traversé l’esprit comme possibilité apparaît soudainement comme réalité: la robe n’a pas été retouchée! Les épingles courent encore le long de la dentelle et du tissu, le fil cousu à la main est encore là au niveau du décolleté. Quelle horreur! Il fait chaud, je suis fatiguée, je suis rentrée tard hier soir, je me suis levée tôt ce matin, il a fait 30 degrés dans le bureau toute la journée, je viens de conduire 45 minutes pour arriver à la boutique de robes de mariée de Leamington Spa, et ... et ma robe n’est pas prête! A 9 jours du mariage !

Avance rapide jusqu’au mercredi d’après, 6 jours plus tard. Il fait plus chaud que la semaine d'avant. Le jour le plus chaud que l’Angleterre ait connu depuis plus de 100 ans. Plus de 36 degrés à Oxford. Du jamais-vu pour notre génération, pas même en 2003. Nos corps ont dû s’habituer à la chaleur. On ne la ressent plus de la même façon. Pourtant, elle est bel et bien là. Le thermomètre dans le bureau marque 31 degrés. La chaleur dès qu’on met le pied dehors me rappelle ma descente d’avion à Broome, Australie, en 1998. Je croyais que c’était le moteur de l’avion – mais non, c’était l’air chaud ambiant. Hier, aussi dingue que cela puisse paraître, à Oxford, c’était pareil. La même sensation de me mettre devant un sèche-cheveux géant !

Malgré tout, dans la boutique de robes de mariée, il ne fait pas aussi chaud que la dernière fois. Telle un ver sortant de son cocon, je me faufile en me contorsionnant dans ma robe d’un jour (pour moi, de deux jours, car il y aura aussi une fête française fin octobre !). Mais à l’inverse du ver, je me mets à l’aise (si c’est possible) dans mon cocon, au lieu d’en sortir frénétiquement. La propriétaire de la boutique me dit que le jour du mariage (dans 3 jours !) il faudra que je me mette du talc, ainsi je rentrerai dans ma robe comme un poisson dans l’eau. Mais je n’ai pas envie de mettre du talc à l’intérieur de ma belle robe, il faut que je puisse la remettre fin octobre et je ne veux pas la salir ou l’endommager.

La femme accroche toutes les agrafes, puis tous les boutons, et ô miracle – ma robe de deux jours me va à merveille ! Quel soulagement !!! Je suis toute belle, je me sens bien, je peux bouger, je peux même danser! Je me demande si par hasard la bonne femme de la semaine dernière n’aurait pas demandé en douce à la couturière d'en profiter pour légèrement agrandir au niveau des hanches...

Dans 3 jours, je serai Madame Y, après 30 ans de Mademoiselle X. Ca fait du bien !

samedi 1 avril 2006

Le panais, ce vieux légume

Cherchez le mot ‘panais’ dans le Petit Larousse, et voici ce que vous obtenez : ‘légume utilisé naguère et pour le bétail’. En Angleterre, on en trouve presque toute l’année, et on le sert beaucoup dans les restaurants et à la maison. Et j’adore ce légume ! Un peu comme la carotte dans sa forme et par le fait qu’il est aussi une racine, il est de couleur crème et a une surface plus rugueuse qu’elle, un peu dentelée, un peu bossue. Pourquoi n’en trouve-t-on pas/plus en France ?

Quand mes parents sont venus passer Noël chez nous en 2004, nous avons servi des panais avec le reste du repas traditionnel, rôtis au four avec les pommes de terre et les carottes. ‘Ah, le panais, ce vieux légume !’ a exclamé Maman. Ca m’a fait bizarre. L’Angleterre est-elle si arriérée ? Le panais est tellement délicieux, et il est si bon pour la santé aussi ! Il est plein de potassium et d’acide folique. Il n’y a pas de raison de ne plus l’utiliser ! Je fais une soupe d’hiver bien épaisse délicieuse avec ce « vieux légume » : panais, carotte, pomme de terre et une touche de gingembre.

Et le navet alors, pourquoi a-t-il survécu ? C ‘est vraiment étrange... Qui a décrété que le panais n’était bon que pour les cochons et qu’il ne devait pas être vendu dans les marchés français ? Ceci dit, j’ai fait une recherche dans Google et Yahoo! et le panais semble n’avoir pas été complètement oublié car il est mentionné dans quelques recettes. Je n’en ai jamais vu au Carrefour près de chez mes parents, mais peut-être l’y trouverai-je la prochaine fois que j’irai ?

Prendre son temps...

J’ai pris mon temps, ce matin. Je me suis levée, ai ouvert la fenêtre, puis me suis recouchée et ai passé quelques minutes à regarder le spectacle qui s’offrait à mes yeux derrière les carreaux.

Une immensité toute bleue, et devant, le haut de l’if du voisin, vert foncé, dont les branches étaient balancées par le vent. Puis tout d’un coup, un oiseau coloré s’est posé sur une des extrémités de l’arbre, tout en haut. Je distinguais du jaune et du marron, mais je ne suis pas calée en ornithologie, je ne saurais dire de quelle espèce il s’agissait. On aurait dit qu’il allait tomber, mais non, il devait bien s’accrocher et il suivait le mouvement de la branche avec aisance. Le temps de me décider et d’aller chercher mon appareil photo, bien sûr, il était parti.

Mais alors est apparu un milan rouge (red kite – je ne suis toujours pas certaine de la traduction). Il y en a beaucoup autour de chez nous, et en ce moment, avec le vent qu’il fait, ils doivent s’en donner à cœur joie. Malheureusement, je n’ai pas pu le prendre en photo non plus – il planait et suivait les courants d’air bien trop rapidement pour mon grand zoom... Tant pis, la prochaine fois ! (Edit: la photo date de juin 2006)

Je me suis remise au lit pour quelques instants. J’adore sentir l’air frais sur mon visage alors que le reste de mon corps est enfoui sous la couette. Quelle sensation de bien-être ! Mais maintenant, le ciel s’est un peu couvert, déjà, et il est temps de vraiment commencer la journée. Écrire mon blog pendant que le linge tourne dans la machine, donner de l’eau à Baveuse, prendre mon petit déjeuner. Bientôt, j’irai me promener au bord de la Tamise, à la recherche d’air frais, de vent cinglant, de bruits d’eau, de cris de canards, poules d’eau et cygnes, et peut-être aussi d’inspiration pour mon roman, Au bord de la Tamise, l’histoire de trois jeunes femmes françaises qui vivent en Angleterre depuis un certain nombre d’années et qui ont des vues différentes sur leur statut d’expatriées mais aussi des vie très différentes... À suivre !

mardi 28 mars 2006

Changement d’heure

Je reviens tout juste de la gym, et pour la première fois cette année, il faisait jour ! Quel bonheur ! Mon pas était léger, j’avais encore plus d’énergie que d’habitude après une heure d’exercice, et mon cœur se remplissait de quiétude et de joie de vivre que seul le printemps peut apporter si rapidement à un cœur qui hier encore était plein de mélancolie et perdu.

Et puis pour la première fois de l’année aussi, le parc que je traverse pour aller à la gym et en revenir était vide – pas d’enfants, pas d’adultes, pas de joueurs de football, rien ni personne. Seuls les chants des oiseaux se faisaient entendre, mélodieux et remplis de gaieté et d’espoir. Encore un signe du printemps...

Comment peut-on oublier que le printemps est si beau et plein d’allégresse ? Chaque année, on retrouve avec émerveillement les petits détails de la nouvelle saison – le jaune des jonquilles, le vert clair des pousses du saule pleureur, les gros boutons des lilas, les petites feuilles des rosiers, le goût de l’air qui n’est plus si froid à l’aube, la chaleur du soleil un peu plus haut dans le ciel, les trilles des oiseaux qui chantent l’annonce du renouveau... Ah, et puis maintenant que j’ai ma propre maison et un grand jardin, tout cela signale aussi le début des plantations d’herbes aromatiques et de légumes, qui pousseront une fois le printemps bien établi, ou l’été à peine arrivé.

Merci à celui qui a eu l’idée de changer l’heure, une fois tous les six mois environ. En octobre, c’est beaucoup moins agréable, mais en mars, quel plaisir !

samedi 25 mars 2006

La culture française

En ce moment, la culture française me manque. Le raffinement, les serviettes de table, les repas de trois plats le soir, le fromage, la baguette, les bonnes tartelettes le dimanche midi...

Ici, ce n’est que fish n’ chips en take-away et bouteille de vin, le luxe. Le vendredi soir surtout, et le samedi soir, et le dimanche midi. Le fin du fin, c’est le ‘Sunday roast’, un simple rôti avec des pommes de terre au four, des légumes bouillis (ou à la vapeur si on a un peu de chance, trop croquants si on n’a vraiment pas de chance parce qu’ils ne sont pas restés assez longtemps dans le cuit-vapeur) et des ‘Yorkshire puddings’ (l’équivalent de la baguette, peut-être ? mais seulement dans sa fonction d’accompagnement, pas dans sa forme). Quelle déception, quel désastre. Et le tout bien tard, vers 15h00... Je me souviendrai toujours de ces dimanches matins interminables où on attendait le ‘déjeuner’, quand j’étais au pair, puis le repas, lui-même sans fin et sans raffinement... Mais tout le monde était excité par l’événement du dimanche...

Comment réconcilier les dimanches de mon enfance avec ceux-là ? C’était impossible. La montagne, l’air frais, le bon pâté de campagne sur la bonne baguette bien fraîche, quelques chips dorées toutes simples, une tomate saupoudrée de sel de mer, quelques radis coupés en quatre où venait s’insérer une lamelle de beurre frais, et enfin la fameuse tartelette, ou bien le mille-feuilles, si on se sentait courageux pour le porter pendant les longs kilomètres que nous parcourions avant d’arriver à notre lieu de déjeuner...

Voilà les dimanches d’été de mon enfance, sur les hauteurs de Nice. Je leur préférais les journées à la mer, tous les deux jours, pendant la semaine, mais maintenant que je suis une amoureuse de la nature, je me souviens de mes dimanches montagnards avec nostalgie et grande reconnaissance envers mes grands-parents, qui ont su me forcer à les suivre. Mes cousins m’ont dit qu’eux aussi voyaient leur enfance ainsi. Le pensum de la montagne... et maintenant, comme ils y courent et comme ils regrettent de ne pas l’avoir appréciée en compagnie de nos grands-parents... !

mardi 21 mars 2006

Le printemps

C’était le printemps hier, mais il a fait gris toute la journée, et aujourd’hui, on dirait bien que ça ne sera pas différent... Pourtant samedi et dimanche, le soleil brillait et l’air était d’une douceur incroyable, malgré la brise. Nous avons passé les deux après-midi dans le jardin, à planter nos graines pour nos futurs légumes et herbes aromatiques.

Le saule pleureur a commencé à montrer ses petites pousses vert clair. Il redevient un bel arbre. L’hiver, il a l’air tellement triste, ses branches toutes nues, jaunes, marron, comme les cheveux secs d’un vieillard. Maintenant, le printemps lui redonne sa jeunesse.

La chatte noire de la voisine ronfle à mes côtés sur son petit tapis de bain tout aussi noir (tellement noir que je n’ai pas vu la chatte qui dormait dessus hier soir !). Elle a une petite tache blanche au niveau du cou, d’où son nom, ‘Perle’, mais nous l’appelons autrement – ‘Baveuse’, car elle se met à saliver dès qu’on la caresse. Des perles de bave (ah, peut-être est-ce pour cela qu’elle s’appelle Perle !) sortent de sa bouche entrouverte, elle ferme les yeux, elle commence ses mouvements de pattes, comme si elle malaxait la pâte à pain, et la voici au paradis des chats !

Elle nous fait bien rire, Baveuse. L’autre soir, j’étais allongée sur le ventre près du feu, à 30 centimètres de la cheminée, et elle est venue s’asseoir sur mon dos, comme ça, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde, comme si c’était ce qu’elle faisait tous les soirs depuis toujours. On a pris quelques photos, tellement c’était drôle, à voir et à sentir, cette chatte qui n'avait pas l'air de savoir qu'elle faisait là quelque chose hors du commun...

Nous aimerions bien avoir un chat qui nous appartiendrait vraiment, mais d’un autre côté, celle-ci est presque la nôtre. Ici, c’est la maison de l’amour, de la tranquillité et du sommeil pour elle. Chez la voisine, c’est la maison de la nourriture, où elle ne va que pour manger, deux fois par jour, pendant dix minutes tout au plus. Les factures de vétérinaire sont payées par la voisine, les notes de supermarché pour les boîtes et croquettes pour chats aussi, alors pourquoi vouloir un autre chat, si la seule différence serait des trous plus profonds dans notre compte en banque.

Non, nous n’avons aucune raison de vouloir un autre chat. À moins que nous ne voulions un autre chat juste pour faire la pair, comme des parents veulent deux enfants – pas un, deux. Mais Baveuse n’aime pas la compagnie des autres chats. La voisine en a deux autres, et c’est en partie pour cela que Perle/Baveuse passe ses journées (et maintenant ses nuits, sur son beau tapis de bain noir !) chez nous. Alors nous n’allons pas infliger cela à notre chère petite Baveuse...

Mon histoire en bref

Quand je pense à ma venue en Angleterre, et mon installation définitive ici, je me souviens qu’elles tiennent à très peu de choses. Mais en même temps, elles sont rattachées à un certain nombre de personnes, ce qui me fait croire que le terrain avait été préparé depuis quelques années déjà, et l’aboutissement de ce grand programme ne pouvait pas être autre.

Je pense à une copine de lycée (même pas une amie) qui est liée directement à ma deuxième traversée de la Manche – elle allait être au pair en Irlande l’été 1995, et je pensais que c’était une excellente idée. J'allais faire pareil, mais en Angleterre. Quant à l’endroit exact, il fut déterminé par la connaissance d’un Anglais à travers une amie : il habitait à environ 40 minutes du bout de pays où j’ai fini par atterrir.

Le reste, ça remonte à bien plus longtemps que cela.

Mes parents m’ont appris les mots anglais pour les parties du visage en même temps que je les apprenais en français, et j’ai fait mon premier voyage hors de l’Europe, aux États-Unis, alors que je n’avais que 11 ans et quelques mois, avec mes parents. Puis, mon premier voyage toute seule en dehors de la France fut de nouveau aux US, l’été entre la 5ème et la 4ème – je n’avais même pas 14 ans.

Après ça, les États-Unis étaient comme ma résidence secondaire ! J’y suis retournée encore deux fois avant la Terminale (et une cinquième fois l’été dernier, avec mon fiancé, au grand âge de 28 ans !).

Puis ce fut ma première traversée de la Manche, à Noël en 1994. Je ne suis pas tombée amoureuse du pays tout de suite. On peut même dire que Londres m’a presque laissée indifférente. J’ai apprécié mon séjour, mais rien de plus. Pourtant, six mois plus tard, je reprenais l’avion, pour atterrir à Birmingham cette fois, et commençais mon ‘aventure anglaise’ : deux mois au pair, puis quatre ans à l’université, et maintenant six ans dans mon activité professionnelle de choix, l’édition.

Cela fait donc bientôt onze ans que je suis en Angleterre – et presque anglaise... Mais ces derniers jours, la France me manque et j’ai envie d’être bien française, de retrouver un peu mes racines, et surtout d'écrire en français. D’où ce blog.

En effet, je passe mon temps à lire en anglais, à parler anglais, à écrire mes histoires, articles, nouvelles, romans, en anglais, et j'ai parfois le sentiment de me perdre. Je vais tâcher d'y remédier ici.